Selon le rapport « State of Agile » de 2023, plus de 80 % des organisations IT interrogées déclarent avoir déjà amorcé un virage Agile, voire l’avoir totalement embrassé. Et dans ce contexte, la phase de « cadrage » (pendant laquelle on définit la vision, les grands objectifs et l’ampleur du programme) ne ressemble plus vraiment à une longue liasse de documents formels. Désormais, il s’agit de mettre en place un cadre suffisamment structurant pour ne pas se perdre, tout en restant suffisamment souple pour accueillir l’imprévu.
Mais comment orchestrer cette phase de cadrage quand on évolue dans un univers Agile ou dans une structure SAFe ? Eh bien finies, les grosses spécifications bouclées avant même de coder. Place à une approche itérative de projets successifs, où la feuille de route se construit au fil du temps, sans se transformer en joyeux bazar…
Les enjeux : maintenir une structure tout en favorisant l’adaptabilité
Traditionnellement, le cadrage se présentait souvent comme un document exhaustif et rigide, listant objectifs, contraintes, périmètres, jalons…
En contexte Agile, on ne veut pas totalement renoncer à la cohérence ni à la vision d’ensemble. On cherche juste à réduire le risque de sur-spécification et de lourdeurs bureaucratiques, tout en conservant un alignement stratégique.
- Garder un fil directeur : Même si les sprints et itérations peuvent faire évoluer la solution, il faut une boussole (priorités business, objectifs à moyen terme).
- Permettre l’ajustement en cours de route : Si le marché change, si la technique évolue, on doit pouvoir infléchir la trajectoire sans devoir jeter tout le cadrage.
On est donc sur un équilibre relativement délicat, entre la tentation d’en faire trop (et de figer le programme dans le marbre) et de ne rien formaliser (au risque de partir dans tous les sens).
Du cadrage traditionnel au cadrage Agile
Fini, le grand plan de route immuable pour les deux ans à venir. Dans une logique Agile, on construit une roadmap évolutive, laquelle se décline en grandes étapes (ou releases), chacune potentiellement ajustée au fur et à mesure. On évoque souvent :
- Une vision globale du produit ou du programme : les axes stratégiques, la proposition de valeur, les cibles prioritaires.
- Des objectifs macro (ce qu’on appelle parfois des « epics » ou « initiatives »), qu’on affine en continu.
- Une priorisation adaptative : on définit une première liste de features, tout en acceptant que certains éléments remontent ou descendent dans la backlog selon les retours des utilisateurs et l’évolution de la stratégie.
Le résultat ? On dézoome moins souvent, mais on évite le gâchis de temps passé à spécifier des fonctionnalités qui ne verront jamais le jour.
Aligner les priorités stratégiques et opérationnelles dans un contexte SAFe
SAFe, c’est un peu l’Agile version scalée pour les grands groupes, avec plusieurs équipes qui bossent en parallèle sur un même train. Pas question donc de partir en freestyle : on a des rendez-vous cruciaux pour cadrer l’ensemble (type Program Increment (PI) Planning).
Utilisation des PI Planning et des outils SAFe
- PI Planning : Tous les 8-12 semaines, on réunit (virtuellement ou physiquement) les équipes pour définir les objectifs du prochain incrément, réfléchir aux risques, voir comment les features s’enchaînent. C’est un moment fort de cadrage collectif.
- Backlog de programme : Plutôt que d’avoir une to-do-list de 200 lignes, SAFe propose de classer les features (voire les capacités) dans un backlog global, priorisé par la valeur business et la faisabilité technique.
- Features et Capacités : Les features sont des briques fonctionnelles plus ou moins larges, tandis que les capacités regroupent les évolutions techniques ou transverses. Leur gestion permet de répartir intelligemment les efforts entre l’expérience utilisateur et l’infrastructure nécessaire.
Le but ? Garantir l’alignement stratégique (ne pas se disperser) tout en laissant aux équipes une marge de manœuvre pour l’exécution.
On fixe des objectifs concrets pour le prochain PI, on identifie les dépendances, et on trace la route.
En parallèle, on ne passe pas des mois en upfront. On se contente de préparer suffisamment la vision et les priorités pour pouvoir lancer une nouvelle itération ou un nouveau PI, sans écraser la créativité ni perdre en agilité.
En clair, dans un contexte Agile ou SAFe, la phase de cadrage se réinvente. Il ne s’agit plus d’écrire un cahier des charges cadenassé, mais plutôt de bâtir une vision claire et partagée, des objectifs prioritaires, et un plan suffisamment structurant pour coordonner les équipes. Le tout en restant ouvert à l’idée que des changements viendront perturber la feuille de route.
Cet équilibre est parfois délicat : si on cadre trop, on tue la flexibilité ; si on ne cadre pas assez, on risque de perdre la cohérence d’ensemble. Mais avec les outils agiles (roadmaps, backlog, PI planning) et une culture d’itération continue, on peut construire un programme qui tient la route tout en restant suffisamment agile pour encaisser les aléas du marché ou les surprises du terrain. Et c’est bien là toute la force de l’Agile et de SAFe : mixer une ligne directrice solide et la capacité d’adaptation.
Intéressé pour creuser le sujet ? N’hésitez pas à vous faire accompagner ! Une prise de recul par des acteurs externes (cabinet de conseil, consultants…) permet de challenger ses pratiques et d’apporter des méthodologies et des retours d’expérience éprouvés de cadrage de projet.